Un petit rappel historique de stratégie militaire.
Chacun peut y puiser et en faire un usage immédiat.
Lorsque Xénophon, le philosophe-stratège, nous instruit de ses victoires et de ses défaites, il nous force à reconsidérer la guerre moderne. Il annonce d’ailleurs Clausewitz quand il différencie, pour mieux les relier, la tactique et la stratégie. Son expérience du combat et de la pensée nous fait pressentir que la tactique est l’emploi des forces dans le combat pour atteindre la victoire, et la stratégie, l’emploi des victoires pour atteindre les objectifs de la guerre. Il préfigure Jomini lorsqu’il note que le chef, qui doit en savoir toujours plus, doit obtenir l’adhésion, le dévouement et l’obéissance de ses soldats par tous les moyens ; même s’il lui faut feindre et dissimuler pour atteindre la victoire. L’issue d’une bataille, puis de la guerre dépend selon Xénophon et Jomini du nombre d’hommes engagés, mais tout autant de leur courage et de leur savoir-faire technique. Une discipline et une cohésion sans faille doivent entretenir leur sentiment de supériorité combative, intellectuelle et morale. Si Xénophon accorde à ses soldats le droit de méditer sur son jugement, s’il les entretient de ses raisons et leur soumet les résultats qu’il pense atteindre, c’est, par une parfaite maîtrise de l’intelligence et de l’affectivité de ses troupes, pour obtenir une obéissance absolue. Être entretenu, même faussement, des raisons de leurs efforts justifie tous les sacrifices. Cette confiance aveugle détermine le choix d’une armée rapide, souple et disciplinée à la manœuvre.
Jomini en s’inspirant de la stratégie napoléonienne conseille de faire vivre l’armée sur le dos du pays à conquérir, alors que les généraux du XVIIIe siècle subordonnaient tout « au calcul des boulangeries ». Il est partisan de déplacements rapides portant la masse de l’armée sur « tous les points de sa ligne ». Il se fait l’avocat de l’offensive et préconise de faire preuve de la plus grande vigueur. Admiratif, il constate : « L’Empereur ne livrait pas bataille pour la gagner simplement ; mais bien pour achever l’anéantissement des corps organisés de l’ennemi ». Il fait dire à Napoléon : « Un général ordinaire se serait contenté à ma place de chercher à battre les ennemis, je portai mes vues plus haut : je résolus de les détruire. » Pour Jomini, le théoricien de la mobilité, une bonne armée doit avoir l’initiative du mouvement et combiner solidité et rapidité dans l’attaque. Sa tactique sera, selon le rapport des forces en présence, d’attaquer le point le plus faible ; d’attaquer les deux extrémités de la ligne ennemie ou de briser et disperser les troupes rivales par de fausses attaques. Pour qu’une telle tactique réussisse, il lui faut connaître les positions ennemies et avoir des troupes convaincues de leur bon droit et bien disciplinées.
Tel Maurice de Saxe encourageant la qualité plutôt que la quantité, Charles Ardant du Picq est favorable à l’armée de métier. Il se méfie « des armées de masse des démocraties » et préconise d’utiliser des « mercenaires, soit, et bien payés ». Il pense la stratégie militaire en termes de psychologie collective et conteste et critique les armées de masse de type napoléonien. Il leur préfère des armées de taille plus modeste, composées de troupes supérieurement entraînées et disciplinées qu’il oppose aux armées de masse « désordonnées ».
Pour Clauzewitz, le concept de la guerre est le mouvement de la violence pure, son absolu. Sa théorie de la guerre se fonde sur l’interprétation des résultats guerriers, mais n’ambitionne pas la réalisation de son concept. Le conflit guerrier, chez Clauzewitz, rentre nécessairement en contradiction avec le présupposé de sa violence, car son origine est subordonnée à la politique. Si l’intérêt politique instrumentalise la violence pure, il ne peut jamais s’y abandonner sous peine d’être emportée par elle. Clausewitz remarque : « Si la guerre appartient à la politique, elle prendra naturellement son caractère. Si la politique est grandiose et puissante, la guerre le sera aussi et pourra être poussée jusqu’aux sommets où elle revêt sa forme absolue. » Autrement dit, la guerre recherche la violence pure mais ne peut s’y maintenir durablement. Cette distinction entre guerre réelle et guerre absolue nous rappelle que la politique contemporaine, ou ce qu’il en reste, est réduite à l’essence de la guerre. Si le langage de l’économie, en tant que langage dominant, est un langage guerrier, c’est que l’économie contemporaine est une économie de guerre. Engels notait déjà, faisant référence à Clauzewitz que c’est au commerce que la guerre ressemblait le plus.
Sun Zi observe que la guerre est la voie de la vie et de la mort, celle qui mène à la survie ou à l’anéantissement, et qu’il est impossible de ne pas l’étudier. Il précise aussitôt que c’est l’art de duper. Celui qui peut doit faire croire qu’il ne peut pas. Celui qui est disposé à combattre doit faire croire qu’il ne l’est pas. Celui qui est proche doit faire croire qu’il est loin, et inversement. Sun Zi constate encore : si l’ennemi présente un intérêt, attirez-le ; s’il est dans le désarroi, emparez-vous en ; si l’ennemi est groupé, protégez-vous en ; s’il est puissant, fuyez ; s’il s’emporte, troublez-le ; s’il est vil, rendez-le arrogant; s’il se repose, harcelez-le ; s’il est uni, divisez-le. Sun Zi conseille d’attaquer l’ennemi lorsqu’il n’est pas prêt, et de tenter une sortie lorsqu’il ne s’y attend pas. Il conclut avec un art ou la subtilité le dispute au cynisme que si tout ceci augmente les chances de victoire du stratège, on ne peut rien dire à l’avance.
Cet art stratégique de la ruse s’attache aux concepts antithétiques tels qu’apparence et réalité, majorité et minorité, force et faiblesse, attaque frontale et guet-apens, avance et retraite. La déduction stratégique, héritière du rôle de l’intuition dans le discours philosophique chinois, est toujours opportuniste et se base sur le principe de non-contradiction, ou du moins sur un principe où la multi-contradiction impose un choix stratégique intégrant l’incertitude. Ce mode de raisonnement s’oriente vers la conduite d’actions indirectes et privilégie le dispositif médiatique de la désinformation qui attise la peste émotionnelle et organise l’agression psychologique (propre à la cyberguerre). Toute action de force est subordonnée à la victoire d’une première attaque indirecte. L’arrière plan logique d’une telle stratégie est de vaincre sans recourir à l’affrontement physique direct, en ménageant la vie des soldats sans pour autant se soucier de la vie des civils.
Parmi les stratagèmes « passifs » se détachent ceux qui dissimulent la réalité et ceux qui la simulent. Parmi les stratagèmes « actifs », ceux qui favorisent l’encerclement de l’ennemi, font prendre l’initiative et donnent un avantage. Cet art stratégique dissimule sa complexité sous une formulation d’une apparente simplicité dont la logique
sémantique renvoie à la pensée héraclitéenne. Elle masque dans la forme, et organise dans les faits, un art du commandement qui subordonne toute prise de décision à une intuition dynamique et complexe.
Assiéger Wei pour sauver Zhao.
Tuer avec un couteau emprunté.
Profiter d’un incendie pour commettre un vol.
Clameur à l’est, attaque à l’ouest.
Créer quelque chose à partir de rien.
Observer l’incendie sur la rive opposée.
Le prunier se dessèche à la place du pêcher.
Emprunter un cadavre pour le retour.
Pour saisir quelque chose, commencer par lâcher.
Jeter une brique pour gagner un morceau de jade.
Pour neutraliser une bande de brigands, capturer d’abord leur chef.
Voir aussi:
Perpignan: Jordi Vidal le directeur de la culture démissionne interview par Nicolas Caudeville
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2014/07/perpignan-jordi-vidal-le-directeur-de-la-culture-demissionne-interview-par-nicolas-caudeville.html
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2014/07/perpignan-jordi-vidal-le-directeur-de-la-culture-demissionne-interview-par-nicolas-caudeville.html
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/article-jordi-vidal-la-societe-du-chaos-est-une-mise-en-scene-inverifiable-interview-partie-2-par-nicolas-111043196.html