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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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  • Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 00:34
Perpignan est une fête! par Sébastien Navarro

Ainsi donc Perpignan a sauvé la face. Après cette petite frayeur durant laquelle l’hydre médiatique a tenu ses projecteurs braqués sur la cité catalane (passera-t-il, passera-t-il pas), voilà que s’injecte le doux poison du retour à la normale. Ils ont voté et puis après ?.. chantait Ferré. Et puis après : rien. Ou si peu. Localement, la gauche promet de se requinquer. De se reconstruire. Sur quelles bases ? Sur quel corpus idéologique ? On aimerait bien savoir, maintenant que le grand méchant loup s’en est allé le cul mollement fessé, sur quelle vision particulière la gauche perpignanaise va se reconstruire. On aimerait savoir ce que pense Jacques Cresta quand il sort dans Perpignan au petit matin et voit des hommes et des femmes couchés à même le sol, emmitouflés dans des duvets crasseux posés sur des plaques de carton ? Trouve-t-il cette vision insupportable ? Ressent-il quelque colère à la vue de ces vies misérables, jetées là comme un vulgaire surplus dont nos sociétés n’ont que foutre ? Est-ce qu’il se dit : « Moi, maire de cette ville, je ne permettrai plus ça. J’ouvrirai tous les bâtiments vides du centre-ville de Perpignan et plus personne ne dormira à la rue comme un chien. »

Hé Jacot, c’est quoi un socialiste aujourd’hui ?

Dans l’Indépendant du 24/03/2014, le même homme, K.-O. après le premier tour, déclarait : « Pujol a conduit Perpignan dans la situation où elle est, Aliot est sa créature. » Quand j’ai lu ça, je me suis dit : « Feint-il sciemment de ne rien avoir compris ou nous prend-il vraiment pour des brèles ? » Est-il besoin d’être un fin analyste politique pour piger que l’ascension du FN est arrimée depuis trente ans au lent délabrement idéologique (les faux-culs parleront de mue ou de real-politik) du PS ? On en oublierait presque le pécher originel : en 1986, Mitterrand, face à une droite qui se requinquait, faisait appliquer le mode de scrutin proportionnel aux législatives. Résultat : 35 porte-flambeaux du FN étaient envoyés à la députation. Une première ! Un franc-succès ! Il y a des photos de l’époque où on voit Le Pen père tout sourire dehors. Elles rappellent d’ailleurs ces photos d’aujourd’hui où l’on voit Le Pen fille tout sourire dehors.

Non Aliot n’est pas la créature de Pujol. Aliot, quand il n’est pas le réceptacle d’une frange populationnelle raciste ou revancharde, est avant tout les dernier-bras tendus à ces petites vies qui crèvent doucettement. Sans faire de bruit. Sans implosion sociale. Ces petites vies, un temps appelées prolétariat et que les socialistes des origines s’étaient promis d’émanciper. Laissées à l’abandon, sans aucune perspective de voir leur vie se découpler d’une survie au quotidien de plus en plus dure, les voilà qui se sont pris à voir des lanternes dans les grotesques vessies promises par le Front National. A force d’entretenir ces fatalismes qui font qu’aucune autre politique n’est possible (le fameux et cynique « There is no alternative » thatchérien), il ne faut pas s’étonner de voir pleuvoir ces crédulités insondables. Le Pen sauveuse de la France, Aliot sauveur de Perpignan ! Pourquoi pas. Après l’apocalyptique Bugarach, on serait prêt à croire n’importe quoi. Et n’importe qui. Filez-nous de l’espoir, bordel ! Des stratégies, des boucs-émissaires ! Plus grave : cette forme de désillusion politique s’est sécularisée chez des personnes souhaitant l’élection d’Aliot au simple motif qu’au moins-là, la société catalane serait secouée. Finie la mainmise clientéliste de la dynastie Alduy poursuivie par Pujol. Aliot aux manettes, l’électrochoc était assuré. Soudainement mise en danger, notre démocratie locale allait se réveiller. Le peuple, le vrai, le gueulard, le fier-à-bras, allait pousser ses cohortes jusqu’aux portes du palais des Rois de Majorque.

On peut croire à de tels scenarii. Mazette, des allumés ont bien cru que Bugarach allait accueillir des armées de petits hommes verts. Je me répète.

On peut aussi imaginer une autre histoire. Et que si une leçon devait être tirée de ce navrant épisode, elle devrait servir de base à ce début de réflexion : Qui élit-on ? Nos représentants ou nos dirigeants ? Des hommes et des femmes censés porter la parole du peuple ou la cornaquer. Et si ces derniers portent notre parole, quels outils en notre possession pour exercer un quelconque droit de contrôle ? Aucun, si ce n’est de les virer à la prochaine élection. Gestes que nous répétons, inlassablement, rendez-vous électoral après rendez-vous électoral. On change les marionnettes faisant fi de savoir que sous le tissu c’est toujours la même main qui donne le tempo. Enfin si nous élisons des dirigeants, des maîtres à penser, des chefs, où est la démocratie là-dedans ? Nulle-part. Où est ce fameux pouvoir détenu par et pour le peuple ?

Cresta et les siens promettent de reconstruire la gauche à Perpignan. Voilà le défi pour les six années à venir. Tout en haut de la pyramide hexagonale, Hollande nomme Valls premier ministre. Voilà qui confirme certains signaux : la régénération de la gauche ne sera bientôt rien d’autre qu’une droite nouvellement décomplexée. A ce régime-là, autant nous prévenir tout de suite que nous virons vers une république à parti unique. Certains appellent ça dictature du soft.

La gauche, cette idée de justice sociale fondamentalement antiautoritaire, ne se décrète pas. Elle se conquiert. Elle ne tombe ni du strapontin, ni de la cravate ; elle enfle de la rue, d’abord comme une rumeur puis comme une évidence. Si Perpignan vire facho c’est parce que le peuple de Perpignan a

déserté ses rues. Ses places. Ses quartiers. C’est parce qu’il ne sait plus – ne peut plus – habiter sa ville confisquée par les promoteurs, les architectes du sécuritaire et les actionnaires de la marchandise. C’est parce que les berges de la Basse ne sont plus qu’une carte postale glacée alors qu’on pourrait s’y balader ou y faire des potagers ; c’est parce que les places sont devenues des espaces que l’on dit minéraux ; c’est parce que les bars n’assurent plus qu’une fonction de m’as-tu-vu prétentiard alors qu’ils sont les premiers lieux de sociabilité ; c’est parce qu’à la manière d’un cadavre agité par le parcours des asticots, le pouls de la ville ne se sent plus qu’à la mesure des excitations promotionnelles du moment.

Tant que le territoire de la ville ne sera pas l’objet d’une sauvage reprise en main par les humains qui l’habitent, il n’est rien à espérer d’autre que la poursuite d’une désincarnation lente et progressive. A nous de fixer le rendez-vous de joyeuses retrouvailles.

Voir aussi:

Casse du siècle à Perpignan! par Sébastien Navarro

http://www.larchipelcontreattaque.eu/2014/03/casse-du-siecle-a-perpignan-par-sebastien-navarro.html

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