La première personne que j’ai rencontrée lors de mon installation à Rivesaltes a été Henri Lhéritier.
J’avais lu son portrait dans « Siné Hebdo » lorsque j’habitais dans les Caraïbes. Dans le journal, il y avait un dessin le représentant ainsi qu’un compte-rendu du festival qu’il organisait à Rivesaltes avec quelques amis : « les vendanges littéraires ». Dans ces pages, le philosophe Michel Onfray y relatait les repas au « Kasot » à proximité de sa cave. Au menu, cargolades et grillades organisées dans les vignes et surtout dans la bonne humeur.
A lire l’article de l’autre côté de l’Atlantique, je l’imaginais comme une sorte de moine chanoine laïc catalan, amateur de vins et de littérature. Vrai épicurien, j’appris plus tard qu’Henri fut aussi un temps amateur de cigares.
Viscéralement attaché à ses terres catalanes ancestrales, chaque jour était pour lui un spectacle et la beauté infinie de la rivière l’Agly, petit torrent parfois impétueux, le bouleversait. C’était d’ailleurs une figure récurrente de ses romans.
La première fois où j’entrai dans la « Maison du muscat » pour aller à sa rencontre, je ne fus vraiment pas déçu ! L’endroit était majestueux. Un temple de civilisation. Une bulle hors du temps, totalement hermétique à la gargantuesque connerie ambiante de nos contemporains. Immenses toiles accrochées au mur, symphonies de musique classique en fond sonore, nombre de belles bouteilles et puis son petit bureau dans lequel il se réfugiait pour lire et écrire. Henri, l’esthète, le vigneron-écrivain ou écrivain-vigneron (écri-vin ?), peu importe, était aussi un fin lecteur, d’une culture littéraire incroyable. C’est simple, il lisait dix bouquins à la fois ! Henri pouvait faire sienne, cette phrase de Gérard Oberlé : « Je suis bardé de livres comme d'un rempart contre la connerie du monde ». Toujours affable, c’était dans ce même bureau qu’il me prodiguait ses conseils de
lecture, mâtinés d’un profond éclectisme : romans d’aventures de Conrad, une page de poésie par-ci de Claude Simon, une page par-là des Rêveries du promeneur solitaire. Ne surtout pas oublier le matin, une petite lichette d’Echenoz pour se mettre en route pour la journée ! Lire est une gymnastique intellectuelle après tout.
D’un naturel très discret, presque taiseux, vrai timide, Henri compensait sa retenue par son style littéraire marqué par l’art de la digression. Une sorte de compensation… Une forme peut-être d’exutoire.
Et puis, il y avait son vin doux que je chérissais tant : le « rivesaltes ambré hors d’âge Malvoisie ». Un chef-d’œuvre. Un rancio sucré mais au final un nectar très équilibré. « Trop sucré me disent les clients ! Et le Coca alors ? » grommelait-il, pince-sans-rire.
A mon retour, je me disais que les choses étaient décidemment bien faites. Les Pyrénées-Orientales assuraient bien la transition entre l’Outre-Mer et un éventuel retour en Métropole, le Rivesaltes ambré permettait lui, très bien, la transition entre le vieux rhum et le vin ordinaire !
Fréquenter Henri, c’était du très bel ordinaire justement, réalisant tout le privilège que j’ai eu à le côtoyer : une merveille d’homme.
Bien entendu, il nous laisse ses livres et ses vins.
Promis, Henri, je continuerai à te lire et à te boire.
Jean, Nicolas, Jean-Luc, Michel, Christian, venez, c’est ma tournée !
Amitiés aux copains d’Henri et mes condoléances à la famille Lhéritier.
JEFF
Le tout meilleur d'Henri Lhéritier :
L'écrivain Henri Lhéritier nous a quitté!
http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/2016/03/l-ecrivain-henri-lheritier-nous-a-quitte.html
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