Les cailloux de la colère Fut un temps Perpignan était une ville agricole. Une ville de céréales. Une ville où on produisait du grain. À l’époque, à Perpignan, on avait du grain à moudre. Ça a bien changé, faut dire. Le petit truc à savoir c’est que le grain ça se pèse, le grain ça s’évalue, le grain ça se mesure. Et pour mesurer le grain de quoi a-t-on besoin ? D’une mesure ! D’une mesure agricole pour être précis.
La ville possédait donc, en ces temps anciens, d’assez élégants blocs de pierre taillés. Évidés, l’on y versait les grains pour les peser. Un bloc, une céréale. Une céréale, un bloc. La mesure se prenait place Rigaud, nous dit-on. La rumeur passe et prétend que la ville possédait des originaux en métal. Ils auraient disparu dans les années 50. Peut-être agrémentent-ils le patio de l’hôtel particulier d’un riche notable amoureux des belles choses et peu scrupuleux.
Le caillou n’a plus la cote par chez nous, fut-il beau, fut-il porteur de la mémoire de notre ville.
Non, non, le caillou on s’en fout ! D’ailleurs la ville ne jouit pas d’un dépôt lapidaire digne de ce nom. D’ailleurs la ville ne jouit pas, tout court. Mais ça, c’est un autre problème. Les deux dernières mesures agricoles qu’il nous reste subissent les avanies de la météo, au fond d’un champ, près d’un ruisseau. Alors que dans d’autres villes ce genre d’objet trône au milieu de places publiques et fait le bonheur des touristes.
Mais ici, question touristes, c’est plutôt : paye ta place de parking et ferme ta gueule.
D’aucuns rajouteront : connard ! Perpignan doit se ressaisir. Perpignan doit créer un vrai dépôt lapidaire. Perpignan doit créer un musée autour de ce dépôt. Perpignan doit valoriser son histoire, fut-elle minérale. Et se faisant, il faut sauver ces mesures de pierre. Pour redevenir fiers de qui nous sommes, le chemin ne peut que passer par là.
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