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L'archipel Contre-Attaque

  • : L'archipel contre-attaque !
  • : Depuis les émeutes de mai 2005, la situation de Perpignan et son agglomération(que certains appellent l'archipel) n'a fait que glisser de plus en plus vers les abysses: l'archipel contre attaque en fait la chronique!
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15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 15:39
Livre: 'Franco la muerte' que reste-il du franquisme des années plus tard? par Laurent Novart

Coll., Franco la muerte, Arcane 17, 205.

En juillet 2016, cela fera 80 ans qu’éclatait la Guerre d’Espagne. La victoire des nationalistes en novembre 1939 soumit le pays à une chape de plomb nationale-catholique. La fin de la dictature, la transition démocratique et l’imposition par décret de l’amnésie n’exorcisèrent ni les fantômes, ni ne cicatrisèrent les plaies des corps et des mémoires. L’Espagne n’en finit pas de solder ce passé comme l’illustre l’ouverture des fosses communes, les campagnes du mouvement Manos Limpias ou la dernière sortie d’un maire PP justifiant les condamnations à mort des républicains.

Cette guerre est à la fois un enjeu historique, politique mais c’est aussi mythe : pour les premiers concernés d’abord, tous les espagnols civils ou anciens-combattants, les brigadistes mais aussi ceux qui ont pris le chemin de Retirada, ainsi que le mouvement antifasciste et l’imaginaire de la Gauche au sens large. Le problème de l’aspect mythique de cette guerre est qu’il en découle un manichéisme fondamental : affrontement entre une République et un soulèvement militaire, entre la liberté et le fascisme, la Révolution et la Réaction, le camp du bien et celui du mal.

Cet ouvrage se présente d’emblée comme un règlement de compte vis-à-vis de ce « Franco de porc » qui, ultime insulte à la face de ses victimes mourut dans son lit. Malgré Vernon Sullivan, j’ai assez peu de goût sur le fait de cracher sur les tombes, fussent-elles celles des pires salauds. Et puis, à quoi bon, quand la guerre est finie, et bien perdue, faire comme si elle pouvait être gagnée quatre-vingts ans après et avoir l’impression d’une revanche de papier.

Quelques nouvelles n’échappent pas à un certain prêchi-prêcha digne des pires moments des films de Ken Loach avec la réconciliation irénique des forces antifascistes contre le Fascisme. Nous voyons ainsi les certaines figures imposées de prolétaires hommes et femmes analphabètes avides d’instruction et de justice sociale aux consciences de classe pures, prêts à résister naturellement au fascisme, et bien sûr, en face, celles des franquistes ontologiquement pervers et tarés dont l’archétype serait la figure italienne d’Attila dans 1900 de Bertolucci.

Il n’empêche que ce recueil Franco la Muerte est une bonne piqûre de rappel. Son originalité réside dans le fait que l’ensemble de ces nouvelles se situe après la victoire des nationalistes. Dans la période qui voit l’installation du régime de Franco et de ce monde habillé de cilice aux couleurs aussi gaies que le vert des uniformes de la Guardia Civil, le bleu de la chemise des phalangistes et le noir des prêtres.

C’est un monde dur aux vaincus qui font l’objet d’une répression sans pitié et dont la cruauté n’épargne ni les hommes, ni les femmes ni les animaux. Une croisade qui se poursuit au nom de la Limpieza afin de purger le pays des germes marxistes, et pour l’instauration d’un ordre nouveau avec « ceux qui commandent et ceux qui doivent être commandés ». Une Espagne franquiste, à l’atmosphère viciée où se côtoie la peur, la torture, les exécutions et dans laquelle le catholicisme à la morale la plus rétrograde fait cohabiter le chapelet qu’on égrène et les virées au bordel. C’est un régime enfin, qui à l’image du Caudillo n’en finit pas de mourir, et dont la mort par le supplice du garrot d’un jeune de 26 ans ne pouvait être autre chose que le plus sinistre symbole.

C’est un recueil éprouvant et drôle avec des passages humoristiques et quasi-oniriques. Le surréalisme même n’est pas loin avec la réconciliation des communistes et des anarchistes ou la leçon de bonne gouvernance par la peur dans un dialogue entre Francisco Franco travaillé par une armée de morts-vivants et de Joseph Staline. N’hésitez pas non plus à le lire si vous souhaitez connaître le nom du premier astronaute espagnol. Si votre survie dans l’au-delà vous travaille, rassurez-vous, Franco et ses croisés ne sont pas au Paradis. Vous y retrouverez, tous les sans-dieux, les anonymes des fosses communes mais aussi de plus célèbres comme Greta Taro,

Durutti, Andrès Nin le POUMiste ainsi qu’Azaña… Enfin, si vous avez une vocation refoulée de médecin, jetez un œil à certaines nouvelles qui vous donneront le détail de la physiologie franquiste en phase terminale.

Ce livre pose une question importante en ce qui concerne les héritiers du franquisme. S’il est indispensable de se rappeler ce qu’a été historiquement ce fascisme faut-il pour autant craindre les petits de l’Ogre ? Il me semble que si l’on entend par « petits » les plus ou moins jeunes illuminé-e-s défilant encore dans leurs costumes de carnavals morbides, on risque de se tromper de combat en se focalisant sur ces adversaires si aisément identifiables et que je crois minoritaires ou folkloriques. Le problème actuel est que l’on assiste à une transformation des manifestations de l’extrême-droite, et de ses militants. Le « fascisme », touche de nouveaux publics, utilise de nouveaux codes, de nouvelles attitudes, de nouvelles logiques dont l’analyse est loin d’être achevée.

Cette extrême-droite a su, à la suite des déstructurations des mondes populaires, du mouvement ouvrier, et de son abandon par la gauche « responsable » au nom de la fin des idéologies, dicter l’agenda des causes du peuple. Elle recycle ses thèmes classiques, sous des oripeaux apolitiques, la défense des valeurs morales contre le « relativisme » et le libéralisme, pour la défense des identités européennes contre l’immigration, pour l’héritage culturel catholique contre l’islamisme, pour l’ordre contre la décadence des institutions et la déliquescence de la société... En même temps, elle a gauchi ses discours en s’adressant aux « petits » et à leur paupérisation. Récusant l’universalisme, elle place ses combats pour la justice sociale sur le terrain de l’accès privilégié aux droits sociaux (chômage, santé, logements, allocations diverses…) des nationaux contre les parasites allogènes et leurs défenses dans des conflits culturels qui se déclarent au sein des cités populaires en brandissant le thème de la laïcité.

Ces discours efficaces et bien rôdés, révolutionnant les catégories classiques, progressent politiquement. Ils ne sont plus seulement portés par des réactionnaires, des soldats de guerres perdues, d’idéologues se présentant comme des résistants au Système, ou de révolutionnaires romantiques voulant crever la Gueuse, ils imprègnent aussi les mondes populaires, dont une partie n’y est pas insensible.

Le combat contre ces nouveaux mouvements ne peut se satisfaire de simples condamnations morales. A la suite de Sternhell, il faut rappeler que jamais cette droite aussi prolétarienne et révolutionnaire soit-elle dans ses discours, ne remettait en cause les structures économiques et sociales de la société capitaliste qu’elle vomit. Il faut alors avoir recours à plusieurs gros mots oubliés. A la question posée par le recueil, d’autres viennent à l’esprit. L’antifascisme est-il secondaire ? N’est-il finalement qu’un aspect d’une politique de gauche (premier gros mot) qui se place au niveau des luttes sociales dans la contestation des nouveaux rapports de production, de la justice, de l’égalité et de la défense des nouvelles classes populaires ? Dans ce cas-là, peut-être alors n’a-t-il jamais été aussi urgent de reconstruire et de se réapproprier de nouvelles formes de conscience de classe (deuxième gros mot) ? Cette conscience commune de l’exploitation (troisième gros mot) qui identifie ses véritables ennemis et qui substitue à la compétition entre groupes sociaux ethnicisés et divisés une affirmation positive et universaliste de soi.

R.A.S

Voir aussi:

"Il n'y a pas pas de mémoire du franquisme, parce que le franquisme est toujours d'actualité! Conférence mémoire, regard croisés sur le franquisme les écrivains A Cervéra et G Girodeau

http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/article-il-n-y-a-pas-pas-de-memoire-du-franquisme-parce-que-le-franquisme-est-toujours-d-actualite-en-espa-115664008.html

St Valentin:Un plat de sang andalou, conférence sur la trilogie de David M Thomas (avec) à la librairie torcatis! par Sébastien Navarro

http://l.archipel.contre-attaque.over-blog.fr/article-st-valentin-un-plat-de-sang-andalou-conference-sur-la-trilogie-de-david-m-thomas-avec-a-la-librai-122525375.html

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