« Idéaliste probe, implacable et chevaleresque, au profil émacié d’inquisiteur, grand front, nez osseux, barbiche rêche, une mine de fatigue et de dureté. Mais le parti avait peu d’hommes de cette trempe ». (Victor Serge, sympa, il parle de moi…)
« Car désormais, dans un monde en proie à la cohue et à la plèbe, la plus haute conquête est l’œuvre d’art ». (André Suarès, Le Condottiere)
Ben même si je ne passe pas, de prime abord pour un esthète vu mon beau métier, qui est tout de même un métier de seigneur/saigneur, je me sens proche de cette citation et je pense que le véritable gentleman, aujourd’hui, je ne te parle pas des post-modernes gavés par la globalisation, euh j’adore le concept, t’es allé en Thaïlande, quel peuple, quelle douceur, non mais la guerre je supporte pas, le racisme non plus et la faim dans le monde itou… (sans en avoir conscience, il est un peu cette cohue et cette plèbe même si sa classe est celle des dominants), se doit d’avoir lu ou de relire ce magnifique livre qui parle d’un temps où l’Homme fut grand (hormis notre révolution, bien sûr), la Renaissance en Italie.
« Nous devons puiser dans différentes périodes historiques tout ce qui est réellement important et précieux. Cette synthèse peut être résumée par la formule ’’foi, justice, solidarité, dignité, grandeur de l’État’’ ». (Kirill, Patriarche de Moscou et de toutes les Russies).
Kirill, un ex du KGB, de ma grandiose maison qui assure le présent et l’avenir de mon glorieux pays. Et l’histoire n’est pas prête de s’arrêter vu que c’est nous, les Russiens, qui tenons la plume et nous ne sommes pas prêts de la lâcher. Bon, dans ce qui dit le petit père Kirill, tu l’auras compris, Blondin ne retient que la grandeur de l’Etat. Et quoi de mieux que nous, les organes, pour assurer et incarner cette grandeur. Le reste, c’est tout juste bon à amuser la galerie et le populo. Si tu t’intéresses à la religion aujourd’hui en Russie, cours voir « Leviathan » de Zviaguintsev, un film qui en dit long sur la Russie d’aujourd’hui, c’est-à-dire libérale, ultra-libérale comme tu aimes…
Quel coquin ce Blondin, il aurait proposé, en marge du G20 (pas le supermarché, le sommet qui sert à rien et te coûte cher) à la Füreur Angela de régler l’affaire de la petite province, l’Ukraine, à la tchétchène. C’est-à-dire en achetant les deux entités agitées, à coup de subvention et d’autonomie. Elle en a été soufflée, la Füreur. Faut nous comprendre, nous les Russiens, nous avons un côté un peu oriental, un peu marchand de tapis, un peu négociant de bazar. Désolé, petit Frantsouz, nous n’avons pas la même culture et je crois que nous résistons tout de même bien à la globalisation même si le mode de consommation est le même mais tout cela, dans le fond, n’est qu’apparence. Les fondamentaux demeurent. Bon, tu vois, tout en haut de la pyramide, que dis-je, du mausolée, il y a Blondin et en bas, il y a tout le reste. Et dans tout ce reste, tu as nos députés, bon ils sont un peu comme les tiens, pas finauds, sensibles aux lobbies, j’en passe. Ben chez, nous, dans le contexte des sanctions et de la crise économique, tu en as certain qui ont trouvé des solutions, des génies. Ils disent au bon peuple : « Mangez moins, utilisez de la betterave en guise de rouge à lèvres, préférez les culottes russes en coton à la délicate lingerie française et rappelez-vous que Dieu met votre foi à l'épreuve. » Alors, je te vois avec ton air narquois, mais cela en dit long sur le pays et sur les mentalités. Cela démontre notre patriotisme. J’en veux pour preuve que peu de Russes se sont rendus à l’étranger pour les fêtes. Normal, chute du rouble oblige, bon sauf pour certains de nos oligarques qui sont allés aux Seychelles ou à Saint-Bart’. Les fonctionnaires (tu te rappelles la chanson de la dernière chronique, de Seminon Slepakov, sur ce fonctionnaire qui a tellement peur qu’il n’arrête pas de voler) ont dû donner l’exemple cette année, ils sont restés dans le pays comme la plupart de leur compatriotes, ils sont allés à Sotchi s’adonner aux joies des sports d’hiver. C’est ça la patriotisme à la russe. Allez, écoute cette chanson sur Paris de Semion Slepakov (https://www.youtube.com/watch?v=9eCvm9YJPXY). C’est l’histoire d’une baba (une bonne femme chez nous) qui dit à son muj (son homme), voir Paris et mourir et lui de lui égrener bons nombres de villes de notre 1 000 fois Sainte Russie où tu peux mourir itou et pour moins cher. La chanson se termine par un « Vperiod Rossiia » (en avant la Russie) et « Parij govno » (Paris, c’est de la merde) et il dit même qu’il veut mourir en Russie !
Tu as le sens de l’Histoire, petit Frantsouz ? Non, je ne crois pas. Tu es perdu dans l’immédiateté, dans le consommable, le rapide et le jetable, c’est ça la postmodernité. Ben, tu vois nous sommes en février et je veux m’arrêter au 4 février. En 1900, j’étais arrêté en raison de mes activités révolutionnaires et mis en prison à Varsovie (tu as la photo), dans une citadelle, pavillon 10.
Mais surtout le 4 février est une date mémorable, en 1945 surtout. C’est la conférence de Yalta !! J’ai pas l’impression que ta presse s’y arrête, sûrement une mémoire sélective ou gommeuse… Cet anniversaire a été l’occasion pour Blondin de participer à une conférence intitulée « Yalta : passé, présent et futur » (y avait un député qui est le petit-fils de Molotov). La conférence avait lieu en Russie, en Crimée, à Yalta au palais Livadia, ancienne résidence d’été de ces pourceaux de Tsars, que nous avons jetés dans les poubelles de l’histoire en 1917. Pour nous, dans le contexte actuel où chacun réécrit l’Histoire à sa façon, vois ces bouffres de Polonais, ces pitres d’Ukrainiens, cet anniversaire est important. Ces salopards minimisent le rôle de la vaillante Armée rouge dans la victoire sur le fascisme. Et Blondin, qui se mue en professeur d’Histoire te donne une leçon à cette occasion en soulignant que malgré des divergences idéologiques profondes, ben le trio de la photo (tu as remarqué, petit Frantsouz, y a pas un Frantsouz sur la photo des vainqueurs qui se partagent le gâteau) a fait un boulot plutôt constructif (ce qui va dans le sens de nos intérêts est forcément constructif) qui a abouti à la fin de la 2èmeguerre mondiale. Mais Blondin, il est fort et le passé lui rappelle le présent et inversement d’ailleurs et il te dit « dommage que les récents événements nous disent le contraire : sous nos yeux, se déroule une campagne de révision du bilan de la 2ème guerre mondiale, diminuant la part de l’Armée rouge dans la victoire. » Blondin, ça l’énerve que les anciens vassaux se mettent à prendre la plume pour écrire et dire n’importe quoi. Et il te dit que Yalta, c’est un modèle de règlement de conflit, y a pas plus clair comme message !!! Mais aujourd’hui, avec qui veux-tu parler ??
L’Histoire, ne l’oublie pas, demeure un enjeu idéologique et politique et Blondin l’a bien compris, alors que vos dirigeants occidentaux, ben, ils sont postmodernes et pas vraiment animés par la grandeur et l’épopée… Y a qu’à voir le procès du gras sodomite qui voulut être roi qui se déroule actuellement chez toi petit Frantsouz, ça passionne les foules… Quelle misère, incapable de voir au-delà du bout de sa queue… Vous en avez des visionnaires par chez vous, dites donc !! Imaginez ce gras sodomite président de votre petite république… Imaginez que le bout de sa queue ait pu guider votre politique étrangère… Je peux te dire qu’il aurait adoré la Russie, ce qui est le cas aujourd’hui puisqu’il y vient fréquemment en tant que membre (tiens…) du conseil de surveillance d’un fonds et d’une banque… Je pense que nous devons avoir les images à la Loubianka… Au moins, Blondin est un ascète, un ascète gourmand !! Je reprendrais bien una fettina d’Ukraine…
Bon, le cessez-le-feu a l’air de tenir, du moins, tout le monde fait semblant d’y croire, surtout les Européens. C’est le jeu, d’abord, il faut dire que la négociation a été un succès, puis le temps passant… Toutes ces histoires me fatiguent, de mon temps, nous serions déjà à Kiev, en train de laver nos bottes dans le Dniepr… Pour me distraire, je suis allé au Musée Pouchkine, non pour voir la magnifique collection des impressionnistes, mais pour aller voir une exposition sur la thématique des Madone à l’enfant depuis les icônes byzantines jusqu’à la Renaissance italienne, le cinquecentao. Tu y avais donc une magnifique Madone de Piero della Francesca, un Bellini, un Cosme Tura. Puis après, j’ai baguenaudé dans le musée, peinture italienne, flamande… Et j’ai vu un drôle de truc. Il y avait là une jolie femme, une étrangère, une Frantsoujenka. La voilà abordé par un jeune Russien, en anglais. Elle lui répond en russe, il est agréablement surpris de constater que cette étrangère ne parle pas que la langue de l’impérialisme. Et le jeune Russien de la questionner : « vous aimez Nicolas Sarkozy ». Elle fait la moue, je la comprends. Et le jeune Russien de lui répondre : « Moi, j’aime Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ».
Woua ! J’apprends que vous décorez le patron du contre-espionnage marocain. Moi, en tant que professionnel, je trouve ça bien, il mérite. Ce Monsieur protège ses concitoyens et je pense même qu’il échange de substantielles informations avec ses collègues occidentaux sur ces barbus qui causent tant de tracas. Et je pense qu’il peut même rendre service, surtout à toi petit Frantsouz, ou plutôt à des hommes politiques, qui parfois en villégiature au Maroc, se laissent un peu aller en s’adonnant en toute impunité à leurs vices cachés. Tu vois ce que je veux dire ? Bon, mais là n’est pas la question, les gens de ma profession font leur miel de ces failles si humaines, argent, sexe, ego, déviances diverses… C’est du tout bon ! Non, ce qui m’amuse, c’est que toi qui est si prompt à défendre les droits de l’Ôm, ben là, je t’entend pas beaucoup. Tu imagines que vous ayez décoré le patron du contre-espionnage russe (qui le mérite tout autant que son collègue marocain, tchékistes de tous les pays, unissez-vous !), cela aurait donné lieu à de jolis discours indignés et bien-pensants, à de jolies cris d’orfraies, ce dans quoi tu excelles, petit Frantsouz, un peu comme un castrat. Tout est dans le rapport de forces et c’est un domaine dans lequel tu ne brilles pas, un peu comme si tu n’avais rien compris à la marche du monde. Et c’est comme cela que tes élites, ton Grolland and Co., qui se disent porteurs de valeurs, et vas-y que je fasse un fourre-tout république-droits de l’homme…, baisent les babouches des grand bey assis sur des bonbonnes de gaz ou de pétrole ou tentent de leur vendre des armes dernier cri… En fait, vous les Frantsouzy, vous êtes un peuple schizophrène, vous ne vous assumez pas.
Obama, le président de l’Empire du mal, a dit que ce qui distinguait les Etats-Unis de la Russie, c’était la capacité à produire de l’innovation, de l’immatériel, bref la créativité. Eh, nous aussi, nous sommes capables, nous sommes des créatifs. J’en veux pour preuve le nom d’un des bataillons des agités du Donbass, Motorola, qu’il s’appelle. Et qui sait, bientôt un bataillon Google, Apple, tu auras toute la Silicon Valley dans le Donbass !!! Et puis, nous sommes sacrément créatifs, en géographie surtout ! Blague à part, ce que dit Obama est très important. Il n’a justement pas compris que nous étions différents, nous les Russiens. Ben ouais, nous sommes plus dans le concret, nous, c’est des territoires que nous conquérons, voilà tout. Et moi, pauvre naïf, qui croyais qu’aux Etats-Unis tu avais le droit d’être différent…
Allez, je te laisse, petit Frantsouz, je vais en Pologne, pas en T-34 et pas pour laver mes bottes dans la Vistule, tu peux rassurer tes amis polonais vendus aux américains, juste en villégiature, histoire de me remémorer mes origines, visiter Cracovie, la ville Mitteleuropa par excellence, un temps bien révolu, puis Auschwitz, histoire de se souvenir et surtout de ne pas oublier et le musée de l’insurrection (où éclate tout le réalisme politique de Jo le moustachu puisque pendant l’insurrection menée par l’armée de l’intérieur, qui dépendait du gouvernement polonais en exil à Londres, l’Armée rouge n’a pas bougé, faut dire que ces résistants n’étaient pas très collectivistes dans l’âme…). Tu vois c’est ce qui nous caractérise le réalisme, nous nous sommes complètement affranchis de critères moraux, nous avons des intérêts et nous cherchons à nous y tenir, tant pis s’il y a des morts, ce sont des copeaux de l’Histoire, tandis que par chez toi, petit Frantsouz, vous êtes très à cheval sur la morale et vous avez des critères dignes d’une cours de récréation « il est gentil », « il est méchant ». Prends Blondin, il n’est ni gentil, ni méchant, il poursuit ses intérêts personnels et ceux de son pays. Rien à ajouter, circulez. Après tu es d’accord ou pas et alors… « Me ne frego » comme disait les autres dans les années 30 en Italie.
Mais avant de te laisser pour mieux nous retrouver plus tard, un petit retour sur l’assassinat de Boris Nemtsov s’impose.
Pas un mec que j’aurais fréquenté, un libéral, un de ceux qui ont vendu le pays et qui ont bien profité, pas le genre de ma crèche si tu vois ce que je veux dire, ancien vice-Premier ministre de l’Outre alcoolique que vous aduliez en Occident à cette époque. Remarque, je vous comprends, à cette époque, le pays qui était vendu à la découpe vous faisait rire, vous disiez que c’était une démocratie, en fait c’était un bardak (bordel), aujourd’hui qu’il s’exprime et qu’il a des intérêts, ben le même pays vous fait peur. Vous avez oublié qu’à l’époque de l’Outre alcoolique, des assassinats de ce type, tu en avais des dizaines par mois et à peine un entrefilet dans ta presse de révérence… Attention, faut pas imputer l’assassinat de Nemtsov à Blondin comme l’insinue, par des détours pervers, la mauvaise presse occidentale, il y est pour rien et il prend même personnellement le contrôle de l’enquête. Le Nemtsov ne représentait aucune menace pour Blondin. Tu as écouté le discours ambiant des potes de Blondin, « c’est une provocation étrangère »… Ce climat me rappelle des souvenirs, pas toi ?… Les mecs qui ont fait ça sont probablement des types un peu bas du front (national), des nationalistes qui ne supportent pas que le pays soit critiqué et Sali et pour lesquels Nemtsov était un agent de l’étranger à moins que ce ne soit des Russiens qui aient tout perdu dans les années 1990 et qui aient décidé de se venger. Faut dire qu’en ce moment, Blondin et ses séides bourrent le mou du populo sur un pays assiégé, entouré d’ennemis, mais bon, c’est un poil vrai, la Russie est aujourd’hui en guerre et c’est le doux climat délétère d’un pays en guerre. Bon faut reconnaître que Blondin leur a un peu lâché la bride, ben ouais, c’est ça la démocratie, la liberté d’expression et tutti quanti… mais c’est pas lui ! Au fait, Blondin est toujours à 85% d’opinions favorables, alors… Personne ne changera le pays, c’est un pays dur, surtout pour les siens si cela peut te rassurer petit Frantsouz.
Ah, au fait Nicolas, commande-moi le livre de Victor del Arbol ! Moi, je te recommande « La limite de l’oubli » d’Alexandre Lebedev.
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